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notes du présent chapitre

(liens non actifs)

 

Chapitre I

Préhistoire. Protohistoire

 

1. Les premiers témoignages humains

 

            Dater la première apparition de l'Homme dans les îles britanniques n'est pas une chose aisée, si l'on tient compte du fait que les auteurs les plus anciens dont nous disposons remontent seulement au sixième siècle avant J-C. A l'heure actuelle, nous ne pouvons remonter plus haut dans le temps qu'à la période néolithique, plus précisément à l'époque mégalithique, c'est à dire entre 2800 et 2500 avant J-C. (1)

            Le premier groupe humain qui semble avoir été constitué en société organisée est repéré sous le nom de Peuple de Windmill Hill, du nom d'un site archéologique situé à une trentaine de kilomètres au nord de Stonehenge, dans les White Horse Hill. Les hommes de cette civilisation utilisent des haches en pierre polie, des flèches en silex, des pioches en bois de cerf, des aiguilles en os, et des poteries en céramique grossière. On leur attribue en particulier les Long Barrows, sorte de longs tumuli servant de tombes collectives, d'une longueur moyenne de 30m, bien que certains de ces tumuli atteignent même les 100m. (2)

            Vers 2500 avant JC apparaît une première vague de constructeurs de mégalithes, recouvrant la précédente civilisation de Windmill Hill. On ne connaît ni son nom, ni son origine exacte, bien que certains historiens, se basant sur la forme large des crânes retrouvés dans les tombes, pensent à une origine méditerranéenne. Cette idée correspond à la théorie de la propagation de la civilisation mégalithique à partir de l'Afrique du nord jusqu'au Danemark et à la Suède, en passant par l'Espagne, la France, la Grande Bretagne, et l' Irlande. Peut-être y a t-il là une possibilité de résoudre en partie l'énigme des Silures, peuple du sud-ouest de l'Ile, dont Tacite nous dit '...le teint basané, les cheveux généralement crépus des Silures et leur position vis à vis de 'Espagne font croire qu'anciennement, une colonie d'Ibères occupa ces demeures'. (3)

            Cette théorie de l'origine ibérique des Silures a été reprise par des historiens du 19ème siècle. Mais, selon Fernand Niel : 

            " ... on a justement fait remarquer que ces monuments étaient à peu près inexistants dans les territoires ou l'histoire avait rencontré les Ligures ". (4)

            Outre les menhirs et les dolmens qui sont si caractéristiques de l'art mégalithique, on attribue également à ce peuple d'avoir établi les bases de certains cromlec'hs importants, dont ceux d'Avebury et de Stonehenge, dont nous serons amenés à reparler plus longuement.

            Mais déjà un nouveau peuple fait son apparition, vers 2000 avant J.C, par l'est et le sud-est de l'Ile: celui que l'on distingue sus le nom de Beaker Folk, ou Beaker people, c'est à dire le Peuple des gobelets. Ce nom si original lui a été attribué par les historiens du fait de sa caractéristique d'inhumer ses morts dans des tumuli individuels, accompagnés de petits vases campaniformes en terre cuite de 15 à 20 cm de hauteur, contenant des aliments pour le passage spirituel de l'âme du défunt dans l'autre monde. (5)

            Contrairement au peuple des mégalithes, celui-ci est caractérisé par des individus de grande taille, aux crânes allongés. On pense généralement à une race d'Europe continentale, prototype de la race alpine.

            Son système de société semble être basé sur un système aristocratique affirmé, réduisant au besoin les peuples vaincus en esclavage. Sa propagation naturelle vers l'ouest de l'Ile le met en contact avec le peuple des mégalithes, avec lequel ils finissent par se mélanger pour ne plus former localement qu'une seule et même race hybride. La réunion des deux races propres s'accomplit entièrement dans le sud de l'île, alors que des éléments non mélangés restent prépondérants de part et d'autre de l'aire de fusion, les mégalithiques à l'ouest dans les hautes terres, le peuple des Gobelets à l'est dans les plaines.

            Sur les territoires concernés, cette fusion partielle a pour effet de conjuguer les connaissances des deux peuples et de créer et de développer une civilisation brillante. Outre la connaissance et l'utilisation du cuivre, de l'étain, et de l'or, à un degré et une finesse à peine croyable, ces hommes se mettent à connaître et à appliquer des matières abstraites comme les mathématiques et l'astronomie, dont le plus bel exemple d'application est sans conteste le fameux monument de Stonehenge.

 

2. Un monument unique au monde : Stonehenge. (6)

 

 

Photographie aérienne extraite de la brochure : Qu'est-ce que Stonehenge ?

Professeur R.J.C Atkinson

Ministère de l'Environnement britannique. 1980.

            Il est peut-être difficile, pour des esprits modernes instruits dans le dédain et le mépris des civilisations antiques, de croire, ou même tout simplement d'essayer de comprendre, pourquoi et comment des peuples aussi anciens, et par définition "archaïques et barbares" aux yeux des modernes, ont pu réussir des prouesses comme Stonehenge. Il est vrai que lorsqu'on n'a que du mépris pour les hommes du Moyen-âge qui on construit les cathédrales, à plus forte raison en a-t-on pour ces peuples sauvages qui ne savaient rien faire d'autre que de vénérer des pierres levées.

             Cette opinion de courte vue n'a en réalité d'équivalente que la médiocrité de notre civilisation moderne, comparée à la grandeur et au savoir de la civilisation ancienne.

             Qu'y a t'il de si surprenant que des hommes aient pu, 2000 ans avant notre ère, ériger des ensembles comme Stonehenge. On oublie tout simplement qu'à cette époque néolithique en Europe de l'Ouest correspond une civilisation méditerranéenne déjà très avancée. Hammourabi avait fondé le premier empire babylonien, absorbant l'empire sumérien fondé 3000 ans plus tôt. En Égypte, trois empires s'étaient déjà succédés, les pyramides étaient déjà érigées, et les Égyptiens avaient déjà organisé des expéditions lointaines pour la découverte de nouvelles terres, nouvelles colonies, nouveaux marchés (7). Les hommes connaissaient les principales planètes du système solaire et surtout, ils connaissaient et étaient capables de calculer avec précision les révolutions solaires et lunaires, et avaient déjà élaboré des calendriers précis. L'écriture était un fait acquis, soit sous forme d'idéogrammes, soit sous forme d'alphabets, et leur permettait de matérialiser leurs idées et de correspondre et de se transmettre leurs connaissances même à des centaines et à des milliers de kilomètres.

         La marine, quoique rudimentaire, avait déjà maîtrisé la Méditerranée et les contours des côtes extérieures de l'Europe, complétant en cela les voies naturelles intérieures que représentent les grand fleuves comme le Rhin et le Danube. Il ne fait absolument aucun doute que même à cette époque reculée existaient déjà des relations commerciales suivies entre les pays de la mer intérieure et ceux de la mer extérieure, c'est à dire de l'Océan. (8)

             Il ne faut pas oublier enfin, pour ce qui concerne l'Île de Bretagne, que le détroit du Pas de Calais ne mesure encore aujourd'hui que 30 à 35 km de large, et que l'on aperçoit les falaises des deux côtés. Compte tenu de l'érosion de celles-ci, on est fondé à affirmer qu'il y a environ 4000 ans, les côtes étaient bien plus rapprochées qu'elles le sont aujourd'hui (9). En fait, traverser à cet endroit n'était pas plus dangereux que de passer de Grèce en Italie, de Tunisie en Sicile, ou du Maroc en Espagne. C'est aussi de cette façon là qu'il faut raisonner si l'on veut comprendre Stonehenge.

             D'après les recherches du professeur Atkinson, la construction de Stonehenge se serait étalée sur trois périodes, la dernière étant elle même subdivisée en trois sous-périodes.

             La première, Stonehenge I, remonte vers 2800 avant J.C. Il s'agit alors d'une enceinte circulaire fermée dont l'entrée est marquée par deux pierres levées. A l'extérieur, du côté du soleil levant, se trouve la Pierre du Talon et un portique en bois. A l'intérieur, en périphérie, on trouve un cercle composé de 56 trous de Im environ dans les trois dimensions, mais dont la signification reste encore inconnue à nos jours.

             La deuxième période, Stonehenge II, se situe vers 2100 avant J.C, et est attribuée au Peuple des Gobelets / Beaker Folk. Outre quelques modifications au cercle primitif, il est érigé une série de pierres bleues disposées en deux cercles concentriques distants de 1,80m environ. Ces deux cercles ne seront jamais terminés. Mais déjà, l'axe principal est défini de façon précise, à savoir: : dans la direction du soleil levant le jour le plus long de l'année, c'est à dire au matin du jour du solstice d'été.

             La troisième période, Stonehenge III, débutée vers 2000 avant J.C, nous montre la perfection et le degré de connaissances atteint par les Anciens, et nous remplit d'admiration e de modestie. Nous sommes en train d'assister à l'érection d'une véritable cathédrale de l'Antiquité. Le monument achevé à cette époque comprend en effet :

             - un cercle extérieur de près de 30m de diamètre, composé de 30 pierres levées de 4 à 4,50m de hauteur, pesant chacune 4 tonnes environ. Le haut de ces pierres est couronné par une suite de linteaux assemblés par tenons et mortaises, de 3,20m de long, 1,07 de large, et 0,81 d'épaisseur;

             - un cercle intérieur de près de 23m de diamètre, composé de 50 à 60 pierres levées de 0,70 à 2m de hauteur en moyenne;

             - à l'intérieur de ce cercle, un fer à cheval composé de 5 gigantesques trilithons (2montants et 1 linteau), dont chaque pierre pèse plus de 4 tonnes;

            - à l'intérieur de ce fer à cheval, un second fer à cheval plus petit, composé de 19 pierres bleues levées de taille plus modeste;

            - au cœur de l'ensemble, une pierre plate longue et large, perpendiculaire à l'axe du monument, servant d'autel, et pesant plus de 6 tonnes;

            - enfin, isolée à l'extérieur, la Pierre du Talon, dite Heel Stone, située exactement dans l'axe du monument, et marquant avec une précision rigoureuse la position du soleil levant au solstice d'été.

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Relevé archéologique

La photographie d'origine a été volontairement inversée de façon à être la plus proche possible de la photographie aérienne, la Heel Stone et route étant situées au bas de la photo.

            Si le monument en lui-même est remarquable par sa précision mathématique et astronomique, les moyens de sa mise en oeuvre le sont tout autant. Il faut en effet se rappeler que la plaine de Salisbury est d'origine sédimentaire, c'est à dire que les pierres du monument n'ont pas été trouvées sur place. En réalité, il a fallu aller les chercher au sud du Pays de Galles, dans les montagnes de Preseli, près de Haverfordwest et de Carmarthen, ce qui représente une distance de transport de près de 300km, partie sur terre, partie sur mer, partie sur rivière. Puis, une fois à pied d'œuvre, il a fallu les mettre en place selon des dispositions pré-calculées qui ne doivent absolument rien au hasard.

             Quand on pense au poids moyen des pierres dites de Sarsen du cercle extérieur, et à celui d'un seul montant du trilithon (4 tonnes environ), on a de quoi comprendre la difficulté d'un tel travail. Le professeur Atkinson, puis Fernand Niel, ont réalisé des études très approfondies sur ce sujet, et nous ne pouvons que conseiller vivement la lecture de leurs ouvrages.

 

Tenons et mortaises

Détail d'un tenon, pièce male, dont on voit la silhouette en haut du montant.

Les mortaises, pièces femelles des linteaux, sont visibles sur la pierre tombée allongée

Extrait de Stonehenge and Avebury, Professeur R.J.C . Atkinson. 1959.

            Que la raison fondamentale qui a fait ériger Stonehenge soit en rapport direct avec le soleil, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, et n'est contesté par aucun historien ni par aucun archéologue. Ce que nous ne savons pas, par contre, c'est s'il s'agit là seulement d'un instrument de calcul astronomique, ou s'il s'agit d'un temple d'adoration ou de sacrifice dédié au dieu Soleil. Peut-être s'agit-il des trois hypothèses réunies. Ce qui semble certain cependant, c'est que son utilisation a du être effective au moins sur 1000 ou 1300 ans, jusqu'en 800 ou 700 ans avant J.C.

            Il convient à ce propos de citer un passage de Diodore de Sicile qui, reprenant lui-même des auteurs plus anciens, nous apprend que :

            " ... il y au delà de la Celtique, dans l'Océan, une île qui n'est pas moins grande que la Sicile. Cette île, située au Nord, disent-ils, est habitée par les Hyperboréens, ainsi nommés parce-qu'ils vivent au-delà du point d'où souffle Borée. Le sol de cette île est excellent, et si remarquable par sa fertilité qu'il produit deux récoltes par an. C'est là, selon le même récit, le lieu de naissance de Latone, ce qui explique pourquoi les insulaires vénèrent particulièrement Apollon. Ils sont tous, pour ainsi dire, les prêtres de ce dieu. Chaque jour, ils chantent des hymnes en son honneur. On voit aussi dans cette île une vaste enceinte consacrée à Apollon, ainsi qu'un magnifique temple de forme ronde et orné de nombreuses offrandes; la ville de ces insulaires est également dédiée à Apollon ...

Apollon passe pour descendre dans cette île tous les dix neufs ans ... On voit ce dieu, pendant son apparition, danser toutes les nuits en s'accompagnant de la cithare, depuis l'équinoxe de printemps jusqu'au lever des Pléiades, comme pour se réjouir des honneurs qu'on lui rend. Le gouvernement de cette île et la garde du temple sont confiés à des rois appelés Boréades, les descendants et les successeurs de Borée." (10)

            Ces renseignements, qui remontent au minimum au sixième siècle avant J.C, nous permettent entre autre chose de savoir que l'île est connue des peuples méditerranéens, qu'elle est habitée par un peuple parlant une 'langue qui lui est propre', que ce peuple est gouverné par des rois, et que des échanges de visite ont eu lieu entre les Grecs et des habitants de l'île.

             Les noms mythologiques sont quant à eux des adaptations de divinités grecques: Latone (Lêto), fille du titan Coeus et de Phoébé. Celle-ci, aimée de Jupiter / Dis Pater, est mère de Diane / Dêva Ana (la Lune) et Apollon / Belenos (le Soleil). La relation entre Stonehenge et le Soleil est donc ainsi confirmée. (11)

 

Annaig EVEN (petite fille de 10 ans), à Stonehenge, à l'été 1983. 

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