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Chapitre XIV

La Bretagne dans l'empire chrétien

( compte tenu de la matière à traiter, ce chapitre est publié en chapitres séparés)

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            4. Coalition des Barbares contre la Bretagne.    

        Les nuages noirs ne cessent de s'accumuler au dessus de l'empire romain. La bataille de Mursa, comme nous l'avons vu précédemment, peut être considérée à maints égards comme un suicide, et il est bien évident que les Barbares, sur toutes les frontières, ne sont pas assez dupes pour ne pas s'en apercevoir. L'expédition perse de Julien, débutée sous de bons auspices, finit quasiment en désastre et Jovien, qui ne règne que quelques mois à peine, est contraint à son tour de traiter à perte avec le roi des Perses. A la mort de Jovien, l'Empire n'a même plus de tête, personne n'étant plus candidat à une fonction aussi exposée. Les militaires sont contraints de procéder à l'élection d'un nouvel empereur. Le choix s'arrête sur le commandant de la deuxième compagnie des gardes de l'empereur, un Pannonien du nom de Valentinien, lequel s'associe peu de temps après, tout en se conservant les rênes essentielles du pouvoir, son propre frère Valens auquel il confie l'Orient. Valentinien prend en charge directement les affaires d'Occident. (24)

            C'est alors que des troubles très graves éclatent ou reprennent de plus belle simultanément sur presque toutes les frontières de l'Empire (25). La Bretagne est cette fois-ci l'une des provinces les plus concernées car elle se trouve confrontée à une vaste coalition barbare avec, au nord les Pictes et les Scots, et au sud-est les Francs et les Saxons, animées d'une sauvage violence (26). Les Britto-romains, dont le potentiel de défense a été singulièrement amoindri au cours des luttes intestines de l'Empire, se trouvent dans l'incapacité totale d'opposer une résistance efficace aux hordes barbares qui déferlent alors sur la province de tous les côtés à la fois et qui la sillonnent de part en part. (27)

            Cette situation particulièrement difficile est encore aggravée par de nombreuses désertions au sein des garnisons ainsi que par la trahison des Arcani qui pactisent avec les ennemis sous la promesse de participer au partage du butin (28). Ce fléau va durer plus de deux années, au cours desquelles de nombreuses villes et places-fortes sont pillées et rançonnées, les Barbares se payant même le luxe d'emmener de nombreux prisonniers (29). Londinium / Londres elle même, la capitale, pourtant protégée par de solides murailles, n'échappe pas aux raids et se trouve en partie détruite par le feu. (30)

            Au printemps 367, c'est le désastre complet consécutif à une suite de revers militaires cuisants. Nectaridus, comte de la Côte saxonne, et par conséquent chef de la Classis Britannica / Marine militaire de Bretagne, est tué lors d'un engagement avec les pirates, tandis que Fullofaudes, un général de l'armée de terre, est enveloppé dans une embuscade tendue par les Barbares. En Bretagne, c'est alors la détresse générale, car la population voit bien que rien ne semble pouvoir arrêter le flot des Barbares. (31)

            Valentinien, qui se trouve alors à Samarobriva / Amiens, apprend la nouvelle avec grand effroi. En toute hâte, il dépêche sur place Severus, le chef de sa garde personnelle. Mais celui-ci est réduit à l'impuissance devant l'étendue du désastre. Valentinien le rappelle et l'envoie combattre en toute urgence, avec le grade de magister peditum / général d'infanterie, les Saxons qui viennent d'attaquer à nouveau également sur le Rhin. C'est alors que l'un des consuls de l'année, Jovinus, commandant en chef des armées en Gaule et magister equitum / général de cavalerie, est envoyé en Bretagne à son tour. Même résultat ! Échec ! Jovinus est cloué sur place et dépêche des officiers auprès de Valentinien pour lui demander de toute urgence une armée de secours. Devant ces nouvelles d'une gravité extrême, Valentinien ne peut faire autrement, s'il veut conserver la Bretagne dans l'Empire, que de répondre à cet appel pressant. Il envoie alors en Bretagne l'un des meilleurs généraux de l'époque, un Espagnol, comte de l'armée impériale, du nom de Théodose, avec les corps d'élite Bataves, Hérules, Joviens, et Victoriens. (32)

            

           5. Contre-offensive du comte Théodose. 367.370.

            Débarqué à Rutupiae / Richborough, le comte Théodose fonce sur Londinium / Londres et y installe son quartier général. Rapidement, par l'efficacité de ses connaissances en tactique militaire, il parvient à desserrer l'étau en attaquant les Barbares dans plusieurs directions. Ceux-ci, qui ne sont pour la plupart que des bandes éparses plus ou moins bien encadrées, sont mises en déroute, abandonnant sur place butin et prisonniers. Le comte Théodose, au bout d'un travail méthodique, assorti d'une proclamation d'amnistie pour les déserteurs repentis, récupère l'ensemble des villes et places fortes. Il en profite pour les faire remettre en état, en renforçant ou en créant leurs systèmes de défense. De même, il rétablit la Garde du Mur, durement éprouvée, la complétant même par de nouveaux postes avancés de surveillance au nord et de nouvelles tours de guet de part et d'autre du Mur, sur la mer du Nord et la mer d'Irlande. (33)

            Grand vainqueur et héros de cette guerre, il doit malgré tout encore faire face à une sédition dans sa propre armée, conduite par un certain Valentinus, jaloux de sa gloire. Le comte Théodose, informé à temps du complot, fait arrêter les conspirateurs et livre les meneurs à Dulcitius, le dux de Bretagne, qui les fait exécuter aussitôt. (34)

           Cette campagne de reconquête aura duré plus d'un an et conduit les autorités romaines à reconsidérer avec sérieux le manque d'efficacité et la faiblesse des moyens de défense de la Bretagne romaine face à des Barbares de plus en plus agressifs, efficaces et destructeurs quand ils savent organiser leurs coalitions.

            C'est probablement la raison pour laquelle, pour marquer de façon symbolique et plus éclatante encore vis à vis des Barbares la restauration de l'ordre romain en Bretagne que celle-ci se voit dotée d'un nom nouveau : Valentia (*), et que Londinium est officiellement désormais rebaptisée Augusta ( = Impériale). L'un et l'autre de ces noms glorieux sont bien entendu destinés à marquer de façon indélébile et à couronner le triomphe de l'empereur Valentinien. (35)

        Celui-ci, qui se trouve toujours à Samarobriva / Amiens, y proclame son fils Gratien auguste / empereur, le vendredi 24 août 367.

            Théodose, quant à lui, s'en retourne en Gaule où il est couvert d'éloges par l'empereur et élevé au grade de magister equitum / général de cavalerie.

Gratien

         6. Gratien et Valentinien II.

            L'action militaire de Valentinien Ier se situe essentiellement dans le nord de la Gaule et indirectement sur l'Ile de Bretagne et sur les frontières du Rhin et du Danube. Il séjourne successivement à Lutetia / Paris, Samarobriva / Amiens, puis Augusta Treverorum / Trèves, où il passe son temps à réorganiser et à perfectionner le système de défense des frontières de l'Empire. Les ennemis dont il triomphe, par lui-même et par la compétence de ses généraux, sont successivement les Pictes et les Scots avec Théodose, les Alamans, les Maures de Firmus qu'il nettoie dans le sang grâce à nouveau au comte Théodose, puis les Alamans de Macrien.

            La disparition de Valentinien Ier, mort d'apoplexie due à une colère violente provoquée par les propos jugés insolents d'un ambassadeur Quade, le mardi 17 novembre 375, à Aquincum (près de Budapest) fait échoir le responsabilité de l'Empire à son frère Valens (Flavius Valens) et à ses deux neveux, Gratien (Flavius Gratianus) et Valentinien II (Flavius Valentinianus), respectivement âgés de seize et de quatre ans.

            Cette triarchie familiale ne dure pas bien longtemps, non pour des causes internes à la famille, mais parce que Valens est écrasé par les Goths et massacré avec toute sa suite à Adrianopolis / Andrinople / Edirne, le jeudi 09 août 378. (1)

            De ce fait, et compte tenu du trop jeune âge de son frère, c'est désormais Gratien qui détient en réalité le pouvoir. Celui-ci, considérant que cette charge est trop lourde à porter pour une jeune homme de son âge, associe à l'Empire un Espagnol, du nom de Théodose (Flavius Theodosius) , qui n'est autre que le fils du fameux comte Théodose qui a rétabli il y a une dizaine d'années l'ordre romain en Ile de Bretagne et hérissé la province de forteresses et qui a terminé la rébellion maure dans le sang. Le jeune Théodose, alors âgé de trente trois ans, est proclamé par Gratien auguste / empereur d'Orient, à Sirmium, le samedi 19 janvier 379. Il rejoint aussitôt Constantinople, sa capitale.

            Le jeune Valentinien II, quant à lui, reçoit la préfecture d'Italie, et s'installe à Mediolanum / Milan, où il 'règne' sous la tutelle de sa mère l'impératrice Justine. (2)

            En Ile de Bretagne, les difficultés ne sont apparemment pas complètement résolues vis-à-vis des Pictes et des Scots sur les frontières du nord. Il semble, sans que l'on soit en mesure de l'affirmer formellement, que les actions de maintient de l'ordre et de représailles soient menées par un certain Clemens Maximus, Espagnol de nationalité, et officier de l'armée romaine en Ile de Bretagne.

          

        Mais désormais la situation se complique aussi pour des raisons religieuses. En effet, le christianisme, reconnu officiellement par Constantin Ier, a pris de l'importance, y compris au sein des classes dirigeantes, même si le parti païen reste toujours très actif et compte en ses rangs des personnages de haut niveau, tant politiques qu'intellectuels. Les Chrétiens, dont la religion n'est pas encore stabilisée, se payent en plus le luxe de suivre des doctrines de sectes divergentes. En plus des questions politiques et militaires se jouent donc des trafics d'influences selon les appartenances religieuses et sectaires.

            Gratien et Théodose sont du parti chrétien. Gratien, en particulier, est largement influencé par Ambroise, évêque de Mediolanum / Milan et pilier de l'église chrétienne. Dans un premier temps, après le désastre d'Andrinople en 378, Gratien publie un édit de tolérance à l'égard des Païens, édit qu'il abroge dès l'année suivante. Pire encore, il proclame la religion païenne hors la Loi, refuse de porter pour lui-même le titre de Pontifex Maximus / Grand Pontife jusqu'alors attribué d'office à la Personne Sacrée de l'Empereur, et fait retirer du Sénat l'Autel de la Victoire. Il est inutile de dire que dès cet instant le parti païen va utiliser tous les moyens pour lutter contre cette décision qu'il considère comme un attentat à la Ville et à la Gloire de Rome et de l'empire romain.

            Gratien, qui se trouve à Vérone depuis le vendredi 16 juin 383 rejoint ses troupes à la fin du mois pour aller combattre les Alamans qui viennent à nouveau d'attaquer en Rhétie.

            Alors qu'il se trouve sur le front, une nouvelle lui parvient qu'une usurpation vient d'être faite en Ile de Bretagne et que l'usurpateur, Clemens Maximus, a débarqué en Gaule à la tête d'une forte armée et y a pris pied.

notes : l'empire chrétien

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