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Chapitre XI

(a)

Installation de Bretons (Britto-Romains)

en Armorique

par décision impériale

 

La délimitation du territoire originel

Essai de datation

Argument : La Petite Bretagne d'Armorique

a été créée par des Bretons venus de l'Ile de Bretagne

en compagnie de Maxime.

 

Référence littéraire

Repérage géographique et géopolitique : 

            Les points de repère de ce territoire ont été donnés par Nennius : (1)

            "... multas regiones a stagno quod est super verticem montis Jovis usque ad civitatem quae vocatur Cant Guic, et usque ad cumulum occidentalem, id est Cruc Ochidient ".

            " Hi sunt Brittones Armorici..."

            Ce qui a été traduit le plus souvent par :

            "... plusieurs régions situées entre l'étang qui se trouve au sommet du mont Jovis, jusqu'à la cité que l'on nomme Cant Guic, et jusqu'à la sommité occidentale qui est Cruc Ochidient ".

            " Ce sont les Bretons Armoricains...".

 

Analyse spatiale

            L'analyse spatiale de ces points de repères a permis d'élaborer l'image d'un triangle dans lequel Cruc Ochidient se trouve à l'ouest des deux autres, le Mons Jovis au dessous de Cant Guic, et par conséquent le Cant Guic au dessus du Mons Jovis.

            De plus, Mons Jovis est repéré comme un point à l'intérieur du pays (disons qu'il est continental), alors que les deux autres sont situés sur le littoral, qui est ici le littoral armoricain, c'est-à-dire celui de la Manche. (2)

 

Hypothèses rejetables d'office

            La précision apportée par Nennius, insistant sur le fait qu'il s'agit des Bretons armoricains est un élément déterminant de cette triangulation. En effet, comme nous l'avons vu précédemment, le concept romain de l'Armorique rend caduque et anéantit d'office toute recherche sur le Grand-Saint-Bernard dans les Alpes aussi bien que sur le Cap Finistère de la Galice espagnole, qui sont des points totalement étrangers à l'Armorique, que ce soit dans le concept gaulois archaïque ou dans le concept provincial de la Gaule romaine. (3)

 

Approche du sujet.

             Il s'agit là en vérité de la grande énigme et de la question fondamentale si souvent posée de la raison des Bretons d'Armorique sur laquelle se sont penchés et ont buté grand nombre d'historiens depuis deux siècles au moins, soit pour accréditer et défendre l'existence et les droits d'une identité bretonne (les régionalistes et nationalistes bretons), soit pour les nier et les combattre (l'État et les nationalistes français).

            A quelle époque, pour quelle(s) raison(s), par quel(s) moyen(s), à quel endroit, des Britto-romains, dont on sait que le pays d'origine est la province romaine de l'Ile de Bretagne, connue aujourd'hui sous le nom de Grande-Bretagne, sont désormais installés dans une partie de l'Armorique, c'est-à-dire sur le continent gaulois ?

            L'une des causes les plus souvent évoquées consiste à parler de la "fuite des Bretons devant les envahisseurs Anglo-Saxons", à partir du milieu du Vè siècle, et ceci pendant près de deux cents ans. Ils auraient traversé la mer à partir du Cornwall et du Devon, conduits par leurs tierns (chefs guerriers) et leurs saints (chefs religieux), en direction de la péninsule armoricaine, en particulier vers les cités des Ossismes et des Curiosolites. Ils s'y seraient trouvés suffisamment nombreux pour acquérir la suprématie sur la population indigène, jusqu'au point de pouvoir expulser celle-ci plus à l'intérieur des terres, et qu'ils auraient donné le nom de Bretagne à leur nouveau pays, en souvenir de leur pays d'origine. (4)

            Une contradiction majeure se révèle déjà quant à l'identification de leur territoire d'installation originelle. D'un côté, on nous indique les cités des Ossismes et des Curiosolites. Mais d'un autre côté, tout en prétendant qu'il s'agit d'un tissu de fables et de légendes, on essaie tout de même d'accréditer le texte de Nennius, qui donne des noms de repères Mons Jovis, Cant Guic, et Cruc Ochidient. (5)

            Une première thèse a proposé la délimitation de ce territoire breton originel entre le Grand-Saint-Bernard (Mons Jovis) dans les Alpes, Étaples / Montreuil-sur-Mer (Cant Guic) dans le Pas-de-Calais, et la pointe Saint Mathieu (Cruc Ochidient), dans le Finistère. Cette thèse n'a pas effarouché Arthur de La Borderie ni plus tard Léon Fleuriot lui-même, ce dernier pourtant si prudent et clairvoyant, qui a seulement réellement restitué Cruc Ochidient au Menez Hom. (6)

            L'étendue proportionnellement trop vaste de ce territoire par rapport au personnel disponible ne permet pas de soutenir l'idée d'un royaume breton, ni même l'idée d'une homogénéité politique, ni militaire, ni même ethnique. On ne répètera peut-être jamais assez qu'il n' y a jamais eu de prince breton régnant ni de dynastie bretonne régnante reconnue ni à Paris, ni à Trèves, ni à Lyon, pas plus à la fin du IVè siècle qu'aux siècles suivants. Aussi a t'on pensé, pour essayer de trouver malgré tout une logique à cette théorie, dire que de petites unités militaires bretonnes auraient pu être disséminées sur l'ensemble de ce vaste territoire, particulièrement à des endroits stratégiques tels de grands carrefours ou passages de rivières ou de montagnes, sans pour autant qu'elles aient à répondre à un commandement unique, dont du reste, nous n'avons aucune mention écrite ni aucune trace archéologique. (7)

            C'est là que la contradiction de Léon Fleuriot prend toute son importance. Car comment peut-on prétendre que des Bretons puissent être les maîtres d'un territoire qui relie le Grand-Saint-Bernard dans les Alpes, Quentovic dans le Pas-de-Calais, et le Menez Hom à l'extrémité occidentale de la (P)Bretagne actuelle, quand on dit qu'un siècle plus tard approximativement, le territoire breton a été accru de celui de la cité des Curiosolites ? Par simple définition et déduction, ce territoire aurait déjà dû être inclus dans le triangle précité ! (8)

            Une autre thèse a cherché à identifier ce territoire avec celui de la (P)Bretagne actuelle : Mons Jovis au Mont Dol, Cant Guic à Nantes, et Cruc Ochidient à la Pointe Saint Mathieu. Cette thèse, proposée par Paul Gout a été applaudie, encensée, couronnée de lauriers et portée sur l'Autel de la Gloire de l'Identité bretonne par Marc Deceneux. Mais on voit trop combien il s'agit là d'une tentative de justification politique et politicienne de la (P)Bretagne actuelle en fonction des querelles franco-bretonnes d'aujourd'hui. Malheureusement, on évite soigneusement de parler là encore des cités de Rennes, Nantes, Avranches, Coutances et Bayeux, qui sont devenues bretonnes, seulement politiquement parlant, simultanément à partir d'Erispoé en 851, soit plus de quatre siècles après l'épopée de Maxime ! (9)

            J'ai déjà pour ma part répondu en partie à cette question dans le petit ouvrage intitulé Kavell ar Vro, publié en 1987. Même s'il s'agissait pour moi d'une première étude d'approche, faite avec de faibles moyens et sans aucun soutien de la part de quiconque, je n'en reste pas moins fidèle au territoire originel de la (P)Bretagne que j'y ai fait apparaître car, après bien des controverses et critiques parfois désobligeantes, il faut bien reconnaître que c'est bien le seul territoire qui réponde à la quasi-totalité des questions que l'on peut se poser, tant du point de vue historique et géopolitique que des points de vue ethnologique, linguistique et religieux. Tant pis pour la modestie et la réserve de l'historien et de l'Ego. Mon intention n'est pas d'en refaire ici la démonstration, mais plutôt d'essayer d'en faire une pédagogie, en retraçant d'abord l'évolution de l'organisation provinciale des Gaules depuis la conquête romaine, de façon à montrer clairement l'existence d'un processus déjà existant avant l'intervention de Maxime qui, après tout n'est q'un continuateur de cette évolution. (10)

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notes du chapitre XI

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